RED STEEL

Released dec 2006 on Wii
Developed by Ubisoft Paris, France
Level Designer during 8 months (mar-oct 2006)

Making of a level: Russian Waste
*sorry, it’s all in french*

J’ai travaillé sur le premier niveau qu’on joue lorsqu’on arrive au Japon, celui de l’usine de retraitement de déchet. Et j’avais envie de m’expliquer sur ce niveau et sur mes choix qui ont aboutis à ce qu’on peut trouver dans le jeu.



Genèse et intentions
A l’origine ce niveau devait se déroulait dans une usine japonaise de traitement de déchets dont le boss organisait un traffic de matières chimiques avec un mafieux russes. Finalement cette histoire de mafieux russes disparu et il ne resta que l’usine où le joueur devait retrouver Ryuishi a qui appartient l’usine.
Au début de mon travail, je n’avais connaissance que du lieu (une usine de traitement de déchets basé sur une île de la baie de Tokyo) et des impératifs scénaristiques (Le héros doit retrouver Ryuishi et le faire parler, il délivrera malgré lui un personnage important du scénario). A part cela, j’avais carte blanche.
Ma première tache fut donc de lister les éléments que je pouvais exploiter dans une usine de traitement de déchet pour en faire un niveau sympa. Les premiers éléments furent les tapis roulants transportant les déchets et les fours d’incinération. L’idée était donc de donner un coté mécanique à ce niveau, d’utiliser un maximum de machine et si possible d’en faire des éléments de gameplay. L’idée étant de reproduire le schéma du combat de l’homme contre la machine. C’est pour cela que j’ai voulu donner un coté gigantesque à l’usine et de faire en sorte que les éléments mécaniques deviennent incontrôlables au bout d’un moment.
Je voulais aussi jouer sur les contrastes : les intérieurs sombres et bruyants opposés aux extérieurs clairs et calmes et la technologie de l’usine en contraste avec la nature de la baie de Tokyo. Je pourrais aussi ajouter la taille du joueur par rapport au gigantisme de l’usine.
A coté de cela, j’ai essayé de jouer sur certaines émotions : la peur, en faisant de cette usine un labyrinthe moderne pour y perdre le joueur, le stress lors que le four est sur le point d’exploser, la surprise avec l’explosion du deuxième four, …



Le rythme
De manière macro, le niveau est découpé en deux parties clos par deux climax : le premier climax intervient à la fin du premier objectif du joueur qui est de traverser l’usine, le deuxième c’est le boss de fin.
Dans la première partie le rythme monte petit à petit : ça commence par du snipe, puis les éléments mécaniques de l’usine sont introduits un par un, et ça se termine par l’explosion du four.
J’ai ensuite introduit une séquence calme avec un puzzle (les bateaux) pour faire tampon avec les deux séquences éprouvantes du four et du boss.
La séquence du boss de fin est conçue comme une course poursuite, et rappelle aussi la course poursuite que subit le joueur malgré lui en croisant à plusieurs reprises le fameux camion.

Le cheminement vertical
Le déplacement vertical que subit le joueur tout au long du niveau n’est pas anodin. Pour symboliser le fait que le joueur pénètre dans la complexité de l’usine, il descend. Puis il remonte dès que son objectif est proche : sortir de l’usine par les fours. Et pour finir, la lumière au bout du tunnel

Passons maintenant aux différentes séquences du jeu :

Les quais
Le début de la map devait faire la part belle à l’infiltration. Il y avait deux idées : faire une séquence d’infiltration, ou tirer au fusil de snipe sur des gardes postés au loin. La 1ere orientation n’était pas possible car les mécanismes de jeux ne prenaient pas en compte les conditions où le joueur n’était plus vu (Dès qu’un ennemi à repérer le joueur, il sait où il se trouve même s’il est planqué derrière un mur).
La séquence snipe était donc la meilleure des décisions. La seule modif qu’il y a eu par la suite, c’est à propos des snipers postés sur la grue opposée. A l’origine il y avait un sniper posté dès le début de la séquence. Or 90% des joueurs perdaient une vie parce qu’ils ne l’avaient vu. Et comme je ne suis pas un adepte du level design vicieux, le sniper a été enlevé et n’apparaît que plus tard quand le joueur se rapproche de la grue.



Les hangars
Au début il n’y avait qu’une route à ciel ouvert avec des piliers sur la gauche. Puis j’ai agrandi la salle vers la droite pour ajouter quelques covers sous forme de caisses et rendre la situation plus intéressante au niveau gunfight. Puis il fallait donner une identité visuelle à la séquence, alors j’ai remplacé les caisses par des camions poubelle et le graphisme a eu l’idée d’un hangar bien plus intéressant graphiquement parlant.
Le but de cette séquence était aussi d’introduire les premiers éléments explosifs sous la forme de bidons explosifs.



Les godets
Il s’agit d’une des premières séquences réalisées à l’étape du maquettage. L’idée était d’avoir une séquence verticale avec des éléments mécanique se croisant au centre. Au début il s’agissait de tapis roulants, puis vint l’idée des godets.
Au final, il faut monter dans les godets pour sortir de la salle, or ce n’était pas le cas au début. Et on s’est dit que ça serait dommage de ne pas imposer au joueur une séquence de shoot assis dans un godet. Le joueur devait donc monter dans un godet au haut de la salle et y rester jusqu’à ce qu’il en sorte.
Le truc marrant c’est que l’entrée de la salle se situait en haut, et la plupart des joueurs descendaient en bas par les escaliers pour se rendre compte qu’il fallait remonter pour prendre les godets. Ça faisait un aller-retour par forcément nécessaire. Alors j’ai déplacé l’entrée vers le bas, en face de l’endroit par où les godets sortent de la salle, en espérant que les joueurs comprennent que la porte de sortie de la situation était celle des godets.



Les tapis roulants
Cette séquence n’était pas du tout ainsi. A l’origine je voulais faire une séquence impressionnante où le joueur embarquait sur un tapis roulant se déplaçant très vite dans des tunnels d’où surgirait des ennemis. J’ai testé ça, et le souci c’est que si ça va trop vite, on n’a pas le temps de viser et tuer les ennemis, ce qui est forcément frustrant. Mais si on règle la vitesse pour qu’on puisse tuer les ennemis, ça va bien trop lentement pour faire quelque chose d’impressionnant. Donc j’ai changé la situation en y ajoutant des jets d’acides pour rendre la séquence un peu plus intéressante. Il était prévu au début que les jets d’acides fonctionnent comme dans un jeu de plateforme, s’activant et se désactivant à intervalle régulier. Mais ça ne fonctionnait pas du, car il y avait trop d’informations à faire comprendre au joueur :

  • les acides sont mortels,
  • ils s’activent à intervalle régulier,
  • il y a des ennemis qui arrivent,
  • le tapis roulant t’amènes vers la bas.

Donc finalement, j’ai supprimé l’activation à intervalle régulier des jets. Lorsque le joueur arrive, ils sont activés formant un mur évidant par où le joueur ne peut passer. Le joueur n’a donc qu’à s’occuper des ennemis. Ensuite, il désactive les jets et peut passer.



La salle des machines
Il s’agit de la première salle conçue. J’ai voulu créer une séquence où le joueur se retrouvait dans une petite salle au plafond bas et aux piliers nombreux. Au final, la salle est moins sombre que ce que je voulais mais la séquence marche toujours aussi bien. Simplement, on stresse moins car on voit mieux la position des ennemis.
Cette séquence devait introduire pour la première fois au joueur les éléments explosifs utiles pour le gameplay. Il y a bien la séquence du hangar qui était plutôt conçu comme une mise en bouche. Ici les machines explosent et les piliers cassent. Cela marque aussi le début des ennuis pour le joueur.



Le pass
Cette séquence du pass à récupérer m’a été inspirée par mon graphiste. « Et si la porte de sortie se bloquait et que plusieurs ennemis déboulaient par la sortie en renversant les tables ? »
Ensuite j’ai eu l’idée de la radio, car je trouvais que c’était une bonne manière pour faire comprendre au joueur qu’il allait se passer quelque chose.



Les tuyaux
Ici on commence à s’approcher des fours. Le four est l’élément le plus important du niveau et il devait être bien plus présent à l’origine qu’il ne l’est au final. En effet, cette salle de tuyaux est issus de nombreuses itération d’une autre séquence où le joueur devait monter autour de la cheminée du four par des passerelles bordées de tuyaux. La séquence était impressionnante car vertigineuse, mais il aurait été impossible de la réaliser avec les contraintes graphiques qu’on avait. Donc j’ai commencé à la découper, puis à ajouter moins de linéarité pour finalement finir par ne garder qu’une des parties qui correspond à la salle telle qu’elle apparaît dans le jeu.
L’idée de cette salle était de faire comprendre au joueur qu’il est dans un endroit dangereux où il ne fait pas bon d’utiliser des armes à feu. Ainsi, la majorité des tuyaux explosent quand on leur tire dessus, ce qui a pour conséquence de rendre l’endroit instable.
Les deux ennemis qui arrivent lorsque le joueur se déplace sur la barre en équilibre ont été ajoutés à la fin. D’ailleurs, pour l’anecdote, le jeu devait comporter un gameplay d’équilibre utilisant la wiimote. Ce gameplay a disparu, mais je me suis dit que je pouvais garder cette séquence.
A la fin de la séquence, un compte à rebours se lance : le four va exploser. Le compte à rebours est seulement là pour faire stresser le joueur, car il est assez large pour sortir du four. C’est dans ce même ordre d’idée que j’ai mis en fin de situation que porte de sortie qui s’ouvre très lentement.



Le four
Et puis on s’est dit, tant qu’à mettre un four autant faire passer le joueur dedans ! Et pourquoi par un combat contre un samouraï juste au dessus des braises ! Histoire de ralentir le joueur dans sa fuite évidemment ! Pour ralentir sa fuite, j’ai aussi pensé au monte-charge tout vieux et rouillé. Tellement vieux qu’on se demande s’il va arriver au bout.
Bref, l’idée était ici de stresser le joueur par rapport à l’explosion imminente du four. Tout à donc été conçu dans cette optique.
Je pense qu’on peut retrouver dans le combat contre le samouraï un certain clin d’oeil à la saga star wars



Le tunnel de sortie
Pour finir, le joueur doit emprunter un tunnel qui mène vers la sortie.
Cette séquence n’était pas tout à fait comme ça au début, puisqu’on devait s’enfuir par des échelles qui montaient sur une cinquantaine de mètres. Puis on a remplacer ça par un tunnel oblique montant vers le haut (les échelles, c’est pas assez sexy). Finalement le tunnel est horizontal pour des raisons pratique pour moi et mon graphiste. Du coup j’en ai profité pour ajouter des ennemis qui cassent certaines parties du tunnel.



Les quais
Après l’enfer de l’usine, il fallait un passage calme aussi bien au niveau sonore que visuel. La plage, la mer et le vent dans les cheveux, c’était parfait.
J’ai tout de même ajouté une explosion pour le deuxième tunnel, histoire de surprendre le joueur. Au départ il devait y en avoir plusieurs, mais des plus petites.
Le puzzle avec les bateaux est là parce que ça me faisait mal de mettre une séquence sans gameplay Au départ, le puzzle devait être plus complexe : il fallait faire tomber les bateaux mais aussi faire monter l’eau avec un système de vanne. Les outils qu’on avait ne nous permettaient pas de faire cela malheureusement.
Sinon il parait que ces bateaux ressemblent à des moules géantes



Le port
Il s’agit sûrement de la séquence qui a subit le plus de modifications. Comme il s’agissait d’une séquence de boss, on voulait faire quelque chose de vraiment spectaculaire. On a donc eu plusieurs idées :

détruire les piliers d’une plateforme héliport positionnée au-dessus de l’eau
s’approcher de l’héliport, actionner une grue pour faire se fracasser le conteneur qu’elle tient contre l’hélicoptère
Au final, ces séquences étaient complexes et pas forcément fonctionnelles. On est donc parti sur quelque chose de beaucoup plus simple : un port avec un héliport qui correspond à la séquence qu’on retrouve dans le jeu. Cependant, le passage sur le bateau n’était pas prévu. On devait seulement se déplacer sur les quais vers l’héliport positionné aussi sur les quais. Mais, on voulait vraiment que cette séquence soit impressionnante. Il s’agit du boss quand même ! Donc un port sans bateau, ce n’est plus un port. Et donc mon graphiste m’a dit « banco, je peux te rajouter un bateau dans les temps », et voilà !
La séquence du boss devait être plus complexe. Un peu à la manière des boss de Metal Gear Solid, on devait voir sa jauge de vie à l’écran et il ne devait être touchable qu’en focus temporel (freeze shot). Finalement, les game designer en ont décidé autrement, et il se prend des dégats comme tous les autres ennemis du jeu, il a seulement une jauge de vie plus grande et est particulièrement sensible au freeze shot qui lui fait perdre deux fois plus de vie. Donc vous connaissez la technique si vous voulez l’éliminer rapidement.
Dès sa jauge de vie finie, il fuit vers l’hélicoptère où le joueur doit aller le rejoindre dans une séquence chronométrée. Je ne suis vraiment pas certain que cette séquence fonctionne. Si on avait eu la possibilité de mettre des cinématique d’un point de vue autre que celui du joueur, ça aurait mieux fonctionné. Là on était contraint de n’utiliser que des cinématiques vu du joueur, et il suffisait que le joueur soit planqué derrière une caisse pour qu’il ne voit rien de la fuite du boss vers l’hélicoptère.